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Historique, par B. Forkner (1999)

Le Centre Anthony Burgess (Anthony Burgess Center) doit son existence avant tout à la générosité de Liana Burgess. En 1998, après plusieurs discussions avec des représentants de l'université et moi-même, à Monaco et à Angers, elle décida de donner à la Bibliothèque universitaire d'Angers une importante collection de livres, documents, partitions musicales, et

  autres objets divers ayant appartenu à son mari (décédé en 1993). La Bibliothèque universitaire a ainsi reçu plusieurs livraisons de livres, l'une provenant de la maison de campagne située dans le Midi de la France où Burgess écrivit The Pianoplayers (Pianistes), et l'autre de Malte où il vécut avec Liana plusieurs années avant de s'installer en Italie.

Les premiers objectifs du centre Anthony Burgess, fondé par des membres du Département d'anglais de l'université, sont de conserver ce fonds spécialisé, d'inventorier et de cataloguer tous les livres et documents que contient la collection, de publier un bulletin (Anthony Burgess Newsletter) et d'inciter les étudiants et les spécialistes de l'oeuvre de Burgess à exploiter pleinement les ressources du centre. C'est dans ce but que nous avons créé notre site (gracieusement hébergé par la Bibliothèque universitaire), pour diffuser la Newsletter et annoncer régulièrement nos différents projets.

 

 

De toute évidence, le lien d'Anthony Burgess avec l'université d'Angers n'est pas purement accidentel ; cela demande au moins quelques lignes d'explication tirées de mon histoire personnelle. Je l'ai rencontré pour la première fois alors que j'étais jeune diplômé de littérature de l'université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Il avait été invité par l'université à passer un mois sur le campus en tant qu'écrivain "en résidence". La plupart des auteurs en résidence se contentaient de donner quelques conférences, de passer du temps avec les étudiants dans les cafés du campus, et de se présenter aux réceptions et cérémonies officielles. Mais avec Burgess c'était une autre affaire. Invité avant tout parce qu'il avait la réputation d'être un des romanciers les plus originaux et les plus productifs de sa génération, il était également reconnu comme spécialiste talentueux de Shakespeare et des dramaturges élisabéthains, et comme linguiste éminent. Il se révéla aussi être un lecteur vorace de toute espèce de livre, prêt à débattre de la littérature d'avant-garde avec les étudiants, à l'intérieur et à l'extérieur du campus, et en même temps un érudit indépendant d'une extraordinaire culture. Ainsi, il était à tous points de vue le choix idéal pour une des principales universités américaines de la fin des années soixante.

Un jour resté légendaire à Chapel Hill, Burgess stupéfia le campus en donnant  cinq cours différents, non pas sur des sujets généraux de son choix, mais en suivant les questions au programme inscrites à l'emploi du temps. Normalement ces cours auraient dû être donnés par cinq professeurs différents, chacun d'entre eux spécialiste renommé dans son domaine. Les sujets allaient d'un bilan des connaissances scientifiques de Chaucer dans un passage de The House of Fame (La Maison de Renommée) au problème des mythes celtes dans Ulysse de James Joyce. Entre temps, bon nombre d'arcanes encore plus secrètes allaient être révélées. Il chanta, de mémoire, un poème de T.S. Eliot comme si c'était un morceau de jazz pour piano. Il récita des passages de A Tale of the Tub (Conte du tonneau) de Swift (toujours de mémoire) pour illustrer la prononciation de l'anglais du dix-huitième siècle. Après cette spectaculaire prestation, Burgess eut tout le Département d'anglais, étudiants comme enseignants, à sa dévotion. A vrai dire, la séance se poursuivit au même rythme au bar du coin jusqu'aux petites heures du matin. Je n'ai pas été surpris d'apprendre qu'il avait composé sa dernière oeuvre, Byrne, un roman en vers extrêmement spirituel, sur son lit de mort.

Quand je vins en France pour la première fois, au début des années soixante-dix, je restai en contact avec Anthony et Liana, bien qu'à cette époque il fût extrêmement pris par son travail d'écrivain et sa carrière au cinéma. Cependant, il était toujours prêt à accepter une invitation et il vint deux fois à l'université de Nantes où j'enseignais pour donner des conférences. Quand je m'installai à Angers en 1981, je l'invitai à nouveau à donner une conférence, cette fois-ci pour m'aider à lancer notre Journal of the Short Story. Il prononça sa conférence, un chef-d'oeuvre d'improvisation maîtrisée, à notre premier colloque en 1983, établissant ainsi son premier lien personnel avec Angers et son université.

Je sais qu'il aurait été très heureux de la décision de Liana de faire bénéficier Angers et le Centre de son magnifique don. Burgess passa les dernières années de sa vie en France, et, comme Ford Madox Ford, il trouvait dans la joie de vivre française une source d'espoir pour l'humanité. Il pouvait être irrité par les idéologues postmodernes et les théoriciens fumeux qui abondent dans les cercles académiques, ici comme ailleurs, mais son amour du véritable esprit français l'emportait toujours sur les causes ponctuelles d'irritation.

Il est encourageant de savoir que la création du centre coïncide avec un récent regain d'intérêt pour le phénomène Burgess. On réédite ses romans et essais, on joue et on enregistre sa musique, et ses pairs le reconnaissent de plus en plus comme l'un des derniers grands critiques et "hommes de lettres" indépendants dans la grande tradition anglaise. Harold Bloom, qui avait déjà signalé l'intérêt de Nothing Like the Sun dans The Western Canon, fait à nouveau l'éloge de Burgess (cette fois pour sa "clairvoyance critique") dans le récent : Shakespeare : the Invention of the Human (pp. 291-292).

Le Centre a déjà été reconnu dans la presse nationale et internationale. En février 1999, la BBC a envoyé une équipe de cinq journalistes et cadreurs à Angers pour présenter le Centre dans un documentaire de deux heures sur Burgess. La BBC a filmé le fonds spécialisé de la bibliothèque et interviewé Liana Burgess. La BBC a également filmé un concert de musique pour piano composée par Burgess, jouée par Maureen Turquet, l'un des membres fondateurs du Centre. Le documentaire contenant des interviews de A.S. Byatt, Gore Vidal, William Boyd, Jean-Jacques Annaud, Malcolm MacDowell, etc., a été diffusé en Angleterre au moins deux fois et a recueilli les éloges de la presse britannique.

Ben Forkner, fondateur du Centre Anthony Burgess (Université d'Angers)
2001

Last Updated on Friday, 10 February 2017 07:18
 
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